Marine Rose, auteur de Trésor et Le Nénuphar et la Grâce, nous offre une critique littéraire de Bonjour tendresse, anthologie de poèmes roumains sélectionnés et traduits en français par Amalia Achard (qui fait par ailleurs partie de la liste des poètes de cette anthologie).
Des poésies roumaines dont la traduction réveille la beauté de la langue française !
Découvrir les auteurs roumains du recueil « Bonjour tendresse » - Ion 
Ţoanţă, Dragos Niculescu, Alice Puiu, Dan Vîţă, Tudor Gheorghe Calotescu
 et Amalia Achard – fut pour moi un immense plaisir ! J’avais pour la 
première fois ouvert les fenêtres de mon esprit à l’univers de la poésie
 roumaine en découvrant Ionuţ Caragea, et grâce aux éditions Stellamaris
 j’ai pu poursuivre mon périple enchanteur de lectrice de poèmes 
roumains, qui m’ont mille fois surprise !
Ce recueil dont la 
composition fut arrangée par Amalia Achard, la traductrice également 
auteure, met en scène des poètes excellents qui se complètent dans une 
œuvre comparable à une pierre précieuse de la littérature contemporaine,
 chacun apportant la facette qui surprend et qui touche, au sein d’une 
parole infiniment maîtrisée. 
Cette littérature ailée venue de 
Roumanie est brillamment traduite par Amalia Achard, la traduction ne 
semble rien lui enlever, à tel point que me suis posée au fil de la 
lecture maintes fois cette question : « Comment la traductrice a-t-elle 
pu parvenir à rendre ce rayonnement fluide des vers avec autant de rimes
 retrouvées ? »
Les vers propulsent tellement de beauté sous les 
yeux du lecteur qu’il pourra lui sembler redécouvrir la beauté de sa 
propre langue. Il m’a semblé que les mots étaient comme réinventés, 
magiques et riches de reflets auparavant inexplorés, sources prodigues 
d’inspiration, se faisant flots où se mêlent profondeur spirituelle et 
splendeur des manifestations en de géniales unicités de style et de 
teneur. 
Chaque auteur est présenté avant l’échantillon sélectionné 
de sa poésie, et les personnalités très différentes offrent un riche 
éventail au recueil, mêlant des voix féminines et masculines très 
variées où l’on peut cependant reconnaître un certain air de patrie.
J’ai beaucoup aimé les visions du quotidien de Ion Ţoanţă, les éclats 
de tendresse de Dragos Niculescu, la philosophie amoureuse et cosmique 
d’Alice Puiu, l’érotisme sauvage et mystique de Dan Vîţă, la pensée en 
vols infinis de Tudor Gheorghe Calotescu, la voix assoiffée de pureté 
d’Amalia Achard, et il conviendrait bien-sûr d’en dire plus. Chaque 
auteur trouve sa place avec évidence, surprenant le lecteur comme par la
 flore poétique d’un jardin composé par le génie. Le vocabulaire est 
tellement riche, surprenant, foisonnant, et pourtant les poèmes volent 
avec spontanéité – et je voudrais souligner ce point si important qui 
manque bien trop souvent dans la littérature contemporaine française – 
avec un vrai sens du Sacré. 
Allier ainsi une densité littéraire 
réelle quant à la forme et au fond à une légèreté aussi mystique relève 
d’un grand don, d’une sensibilité hors norme. Je ne peux que saluer 
l’épanouissement littéraire de ces auteurs et l’initiative additionnée 
d’un colossal et somptueux travail de la part d’Amalia Achard, une 
poétesse écorchée vive dont la larme toute enfantine semble faite pour 
abreuver et laver ce monde. 
Un poème que j’ai choisi, de Dragos Niculescu, bien qu’il ne soit plus de saison :
Nuit d’hiver
Puisque la nuit vient de tomber
et que dehors il neige duveteux,
allumons un feu de cheminée 
et regardons, tous deux, silencieux.
Écoutons juste le crépitement 
d’un cœur de bûche embrasée 
couvrant le sinistre gémissement 
d’un loup de montagne enneigée.
Laisse-moi poser ma tête sur tes genoux
et restons sages comme deux enfants,
que je caresse tes fins cheveux 
jusqu’à ce que tu t’endormes, rêvant.
Regardons le feu comme dans une glace…
Dans le bûcher, quel futur se démène ?
L’instant passager, laisserait-il la trace
d’un sillon de charrue sur l’éden ?
Ou alors les saints nous trahiront 
et dans ce lieu, selon un livre 
que seuls, jamais nous ne lirons,
serons-nous emmenés à vivre ?
Mais comme cela sent bon le thé ;
et derrière la porte, quelle tempête !
Sous la neige se taisent les clochettes
comme dans des mains ôtées de poupée.
Les heures s’entassent, endors-toi, trésor,
je veillerai sur ta beauté allongée 
et couvrirai de tendresse ton corps
que la lune, par la fenêtre, avait baigné.
 

 
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