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lundi 3 décembre 2012

Critique littéraire de L'Être et le Néant

Mon ami Francis Etienne Sicard Lundquist, poète (voici le lien vers son blog), m'a fait la joie de m'offrir cette critique littéraire de mon ouvrage, L'Être et le Néant



Dès les premiers vers de cette œuvre, unique de par sa forme, puisqu’il s’agit d’une pièce de théâtre écrite sous la forme de sonnets, le lecteur entre dans l’univers de la dramaturgie grecque. Les premières répliques d’un dialogue entre les deux seuls personnages, l’Être et le Néant  (dialogue déjà engagé et pris en cours de développement  par un invisible spectateur) pourraient être d’Aristophane.  La langue est incisive, le vocabulaire tonitruant, et l’enchainement foudroyant. 

En quelques répliques, on découvre toutefois le fond du sujet, une querelle philosophique qui oppose les deux idées dont l’abstraction est incarnée par chacun des acteurs.  Être ou ne pas être n’est plus présenté comme  un choix mais comme une affirmation de la dépendance de l’existence au néant. Selon les plus pures règles du dialogue platonicien, le spectateur assiste impuissant à la construction et la révélation de cette cruelle vérité : toute création n’est qu’une forme du néant qui tend vers son propre anéantissement. Les plaisirs sensuels, la beauté, la jeunesse, l’amour, l’argent, le pouvoir,  la religion et même la philosophie ne sont que des illusions de l’être :

Je suis cette ténèbre au dedans de ton crâne
Qui t’appelle et t’attend, quand tu ris comme un âne...
Mais je suis toujours là, plus puissant que tes dieux !

Glissant subtilement de la tragédie grecque aux allégories des mystères du Moyen Age, le jeu théâtral se développe en un huis clos sartrien par le biais de deux autres actes, le premier un an après, et le second, cinq ans plus tard, définissant le bien et le mal, la raison et l’absurde, l’espoir et le désespoir comme des mots vides de réalité et conséquemment parts entières du seul néant.   La finalité donc de l’être est son propre néant. Cette sombre réalité resterait amère, si le deus ex machina de l’épilogue ne faisait descendre sur scène, vingt après, le fils de l’Être, à qui le père confesse que la vie pourtant triomphe à chaque instant et que le néant n’est autre qu’une crainte sacrée qui tétanise :

 Après tout, peut me chaut, si je vis pleinement,
Émaillant mon séjour sur terre de partage,
Ouvert à l’imprévu, sachant m’émerveiller
De voir un arbre mort au printemps verdoyer !
Vivre, tout simplement, n’est-ce pas le plus sage ?

Cet épilogue, toutefois, magistralement ambigu, suffit-il pour convaincre et n’est-il pas sans rappeler l’artifice de la dernière réplique de l’opéra Salomé, (Man tôte dieses Weib !)[1] réplique  rajoutée sous la pression des censeurs par Richard Strauss, pour que le triomphe de la mort sur l’amour ne soit pas scandaleusement acceptable ?  Chacun y dénouera-t-il  la propre énigme de son être et de son néant ? A chacun de s’y essayer.

Brillant par la qualité de sa parfaite versification, le dépouillement tragique des unités de lieux, de temps, et de personnages, chers à la tragédie classique, la richesse de sa poésie, que l’on savoure comme un écho de la langue d’Eschyle, ou encore  les nombreuses références à la mythologie qui illustrent la luxuriance culturelle  de l’auteur, ce chef œuvre de Stellamaris nous fait tous réfléchir sur l’importance de l’écriture dans la définition de notre humanité. L’Être et le Néant reste bien une pièce de littérature contemporaine à faire impérativement figurer sur la liste des  quelques œuvres  essentielles à lire  et à  faire partager. 

Francis Etienne Sicard Lundquist



[1] Que l’on tue cette femme !

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