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jeudi 10 octobre 2024

Critique littéraire de Vers Covidés

 Vous trouverez ci-après une critique littéraire de l'ouvrage collectif Vers Covidés par Madeleine Djombi-Sike Moukoudi de l'université de Daoula. Cette critique est également disponible sur le site litteraturacomparata.ro, ici

Vers Covidés

Vers covidés est un recueil de poèmes tout à fait singulier : il rassemble plusieurs auteurs, de nationalités différentes ; c’est le fruit d’une collaboration de deux maisons d’édition basées respectivement en France et au Cameroun (Stellamaris et Veritas) et l’Association internationale Livre Voyageur (ALIV)2. Le sujet abordé dans l’ouvrage est la pandémie du Covid-19 sous ses aspects variés. Ces différents éléments confèrent une dimension mondiale au recueil. Vers covidés est donc un ensemble diversifié de vers qui dénotent sensibilité et authenticité de la catastrophe sanitaire récente à travers la planète. Ce qui est extraordinaire dans cette collection, c’est la diffusion des émotions que suscitent les différents contributeurs de manière précise et admirable. Les poètes relèvent, entre autres, la rupture entre le monde d’avant Covid-19 et celui de l’ère covidée. Ils se saisissent de ce contexte délétère et de toutes les thématiques connexes à la pandémie pour dire un bouleversement. Le recueil se veut comme un document-mémoire qui fixe la crise sanitaire. Les poètes consignent les souvenirs de notre monde, dénoncent ses errements, crient de  révolte et d’indignation et distillent des notes d’espoir. Un survol de quelques titres garantit l’optimisme : « Demain », « Dans l’incertitude », « L’espoir malgré tout », « L’espoir au temps du Corona », « Tu partiras ». Il se dégage également la conviction que les hommes viendront à bout de ce virus.

L’humanité triomphera de cette guerre
Contre ce maudit virus invisible 
Le bonheur brillera sur terre
Croire en Dieu, tout sera possible.

Avec ces vers diversifiés, rimés ou libres, et rythmés différemment, les poètes s’élancent dans la bataille contre le virus et comptent panser les maux qui ont prédestinés à son apparition. Ils accusent l’hégémonie humaine qui a contribué à détruire la nature. Pour Shimon Rubin, la pandémie est une pause nécessaire qui permet à la nature de se soigner :

Peut-être notre planète a tout simplement voulu faire une pause
Se détendre un peu, fatiguée de l'agitation de tous ses habitants
Elle a trouvé le moyen de se soigner

Même son de cloche avec William Jue qui titre son poème « Merci Covid ». Pour ce dernier, la pandémie était indispensable pour rétablir l’équilibre. De manière répétitive, il salue ses bienfaits :

Grâce à toi la nature a repris ses droits
Mésanges et moineaux chantent sur nos toits
Grâce à toi le dioxyde d'azote s'est fait la malle
Maintenant le soir je contemple les étoiles
Grâce à toi j'ai retrouvé une place dans ma famille
Parfois dans la recette je mets trop de vanille

Cependant, la nécessité proclamée du virus pour l’équilibre de l’environnement n’exclut pas l’évidence de sa virulence. Les poètes sont inquiets et ne cachent pas la rapidité avec laquelle ce « minus » a décimé les populations. Les humains sont tombés en masse, de façon effrénée et de toutes parts. Les morts se sont entassés, se comptant en milliers. C’est une guerre que cet ennemi invisible a déclenchée. Cette hécatombe, causée par l’indigne invitée, a imposé à l’homme le confinement. Plusieurs poètes répètent ce sentiment d’impuissance devant ce virus, cette minuscule créature dévastatrice. Tout s’est violemment mis en arrêt. Sam Medjo réalise que :

Le monde ne court plus. Nos vies ont déraillé.

Claude Watel partage ce même point de vue ; il remarque objectivement que : 

Le maître de la terre est en repos forcé,
Regardant tout autour son monde menacé.

Le recueil est aussi un lieu de lamentations. On se rend compte des pertes en vies humaines provoquées par le virus. « Leur fille unique » relate un drame familial ; c’est le poème de l’algérienne Nourredine Zérouali qui voit périr deux parents contaminés par leur fille unique : 

En quelques jours j’ai perdu mon père
Une semaine plus tard, c’était le tour de ma mère.

Poésies de désolation, de dénonciation et d’espoir, les mots des contributeurs transcendent l’événement majeur qui a accablé le monde contemporain. Leurs paroles aspirent à la déconstruction de l’image de l’homme comme être suprême dans le règne animal. Ils lui concèdent néanmoins le pouvoir de réparation. « Ils demeurent, souligne à juste titre le poète-préfacier Armel Jovensel Ngamaleu, […] tous fidèles à la fonction du poète […] car, même si le présent s’avère triste et sombre, le prince des nuées doit savoir “faire flamboyer l’avenir !” ». 

Madeleine Djombi-Sike Moukoudi






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