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lundi 8 février 2021

Critique littéraire de l'adaptation en vers français des Poèmes d'Edgar Allan Poe par Stellamaris

 Amalia Achard m'a fait le cadeau d'une magnifique critique littéraire de mon adaptation en vers français des poèmes d'Edgar Allan Poe... Merci de tout cœur, Amalia !

Traduire est semblable à créer 


Si tout n'a pas été dit sur Edgar Allan Poe et son œuvre, je laisse le soin aux plus avisés que moi de le faire. 

Dans ces lignes je voulais me pencher uniquement sur le labeur de Stellamaris qui nous propose, dans un recueil séduisant où il s'attaque à la traduction des poèmes de ce brillant auteur, non pas de le découvrir (Baudelaire s'en est déjà chargé), mais de le redécouvrir. Ou, si l'on veut, de le voir d'un regard nouveau. 

"Les traducteurs, ces auteurs de l'ombre" - affirmait le titre d'un article paru dans l'hebdomadaire Le Point le 26 janvier 2021. Auteurs ? A-t-on le droit de leur attribuer cette appellation ?

Ceci est une vérité incontestable, qu'il s'agisse de prose ou encore de poésie, et même, dirais-je, d'avantage lorsqu'il s'agit de la poésie. 

Qu'est ce qu'un traducteur et que fait-il, plus précisément ? C'est totalement erroné de s'imaginer que la traduction n'est qu'un jeu d'enfant qui consiste dans la reproduction du texte d'une langue source vers une langue cible. 

En fait, traduire la poésie, notamment classique ou régulière, c'est décharner l'originaire de ses mots et de façonner, à partir de son squelette, une autre, tout en essayant de décalquer à l'identique l'âme de sa version d'origine. C'est à dire de s'efforcer à faire réverbérer les mêmes émotions et le même message, le traducteur assumant la responsabilité des mots qu'il choisit pour achever cette mission pointilleuse.

Que la traduction soit influencée et imprégnée de la personnalité du traducteur et de sa propre interprétation, reste une chose irréfragable. Comment serait-il autrement quand dans sa langue d'origine également elle peut avoir autant d'interprétations que de lecteurs ? 

La poésie-même est une traduction : celle d'un monde, d'un sentiment, d'une pensée, d'une philosophie, qui se révèlent dans l'esprit de son créateur en des visions sui generis.

C’est ainsi, comme le dit André Markowicz, qu’« il ne peut pas y avoir de traduction objective, parce que c’est quelqu’un qui fait une traduction ».

« Ce n'est pas un acte mécanique, mais un travail en profondeur » et « le fait qu'on soit au service du texte nous oblige à des acrobaties qui font le sel de l'affaire », explique aussi Mme Laurence Kiefé, la présidente de l'Association des traducteurs littéraires de France (ATLF). 

C'est pourquoi traduire est équivalent de créer et les traductions restent des œuvres littéraires à part entière. 

Que Stellamaris soit lui-même un poète de grand talent fait qu'en lisant ce recueil je ressens ces troubles et ces frissons, que je sois émerveillée par ces rimes (rien de plus difficile à restituer), par cette abondance de sons vibrants, par cette métrique si brillamment réussie :

« Et mes rêves ne sont plus que des transes ;
Toujours, dans mes rêves solennels
Me poursuivent tes regards intenses ;
Et là tes pas brillent, irréels,
En ornant de séraphiques danses
Les courants des fleuves éternels »

Les poèmes d'Edgar Allan Poe se métamorphosent si élégamment sous la plume de Stellamaris, que le fait de lire une traduction nous semble d'une importance minime. 

Maître de tous les secrets de la langue française, il sait comment utiliser l'incantation phonique, et où trouver les mots qui charment et qui nous entraînent vers des hauteurs poétiques vertigineuses. N'était-ce aussi l'intention de l'auteur, n'est-ce cela la définition-même du poète : de savoir sublimer le banal et l'ordinaire du monde ?

« D'où venez-vous ? De l'au-delà des mers lointaines,
Sujet d'étonnement pour ces ifs et ces chênes ?
Qu'étrange est sa pâleur, et sa tenue, ainsi
Que la longueur de sa coiffure ! Étrange aussi,
Surtout, quel solennel silence règne ici ! »

De plus, je trouve que c'est merveilleux de pouvoir lire en un seul poème deux échos différents (mais pas opposés), de lire à la fois Edgar Allan Poe et Stellamaris. Comme des poèmes ayant signé un pacte franco-américain. 

On pourrait croire que le traducteur n'a rencontré aucun obstacle, tellement ses phrases s'écoulent fluides et mélodieuses. 

Admirative devant une telle prouesse, je tiens à complimenter Stellamaris tout en espérant réussir moi-même - comme tout traducteur - de performances semblables aux siennes.

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