Armel Jovensel Ngamaleu nous partage une critique littéraire qu'il a reçue pour l'ouvrage collectif qu'il a coordonné, Vers covidés
Collectif, Vers Covidés
préface d’Armel Jovensel Ngamaleu, Stellamaris/Veritas,
Brest/Douala, 2021, 62 p., ISBN 978-2-36868-687-4
Il a fallu un ouvrage collectif, comme celui-ci, en période de crise sanitaire, pour assurer le volet testimonial de la vie. Ce recueil, Vers covidés, préfacé par le poète et écrivain Armel Jovensel Ngamaleu, regorge de poèmes écrits sous l’influence de la Covid-19. Il s’agit, en effet, des poèmes issus d'un concours (« Écrire sous la dictée du Coronavirus ») lancé conjointement par les Éditions Stellamaris (France), les Éditions Veritas (Cameroun) et l'association internationale récemment rebaptisée Livre Vedette (ALIV).
Les poètes lauréats, originaires de différents pays et aires géoculturelles (1) ont sémiotisé, par nécessité mémorielle, la Covid-19. On remarque que, les auteur.e.s, dans l’ensemble, procèdent, d’abord à une nomination variée de la pandémie :
« Le Coronavirus » (Nourredine Zerouali, Algérie : 43)
« Covid-19: l’après-monde » (Medjo Essam, Cameroun : 16)
« Merci Covid » (William Jue, France : 28)
« Pandémie humaine » (Augustin Kakine Aurèle, République Démocratique du Congo : 47)
« Un mal qui interpelle » (id.: 48)
« Tu partiras » (Nacira Ais, Algérie : 46)
En partant du principe selon lequel « Le titre du poème constituera souvent 1'indice principal dans la détermination du thème principal » (Catherine M. Grisé, 2002 : 3), on constate que la pandémie a eu plusieurs façons d’être nommée en position titrale et nous pensons que dans la dynamique de la désignation des événements qui circulent dans ce recueil de poèmes, « le désignant d’événement [est un] lieu de mémoire en construction » (Calabrese, Roig et Van Raemdonck, 2014 : 159).
Ensuite, ces poètes rendent compte de l’impact de cette pandémie dans leur environnement respectif :
L’hiver corona féconde des morts
(Sophie Tornier, France : 10)
La lumière du néant engloutit Wuhan, Madrid, New York, Douala et Guayaquil.
Les cas et les cadavres de cette effroyable pandémie siphonnent
(Sam Medjo, Cameroun : 16)
Soudain, mon père avait des soucis de santé
Le coronavirus l’avait complément anéanti !
En quelques jours j’ai perdu mon père
Une semaine plus tard, c’était le tour de ma mère.
(Nourredine Zerouali, Algérie : 42)
La Sétifienne de 28 ans et son bébé n’ont pas survécu.
Des professeurs en médecine ne sont plus.
(Nacira Ais, Algérie : 46)
Il tue sans pitié et lâchement !
Il avance comme une voiture dont le frein a lâché
Et heurte quiconque n’esquive pas sa course folle.
(Makembe Jephté, Cameroun : 50)
Les poètes dans ces extraits sémiotisent de manière bidimensionnelle la mort que cause la Covid-19. D’aucuns s’intéressent au ravage de ce virus de manière générale, comme on peut le constater dans les propositions indépendantes (« L’hiver corona féconde des morts », « La lumière du néant engloutit Wuhan, Madrid, New York, Douala et Guayaquil », « Les cas et les cadavres de cette effroyable pandémie siphonnent » et « Il tue sans pitié et lâchement ! ») et les phrases complexes (« Il avance comme une voiture dont le frein a lâché / Et heurte quiconque n’esquive pas sa course folle ».)
D’autres pointent du doigt, indiquent et identifient les personnes décédées de la Covid-19. Le passé composé (« En quelques jours j’ai perdu mon père »), le passé composé adoubé de la négation (« La Sétifienne de 28 ans et son bébé n’ont pas survécu »), la négation (« Des professeurs en médecine ne sont plus ») et la proposition indépendante (« Une semaine plus tard, c’était le tour de ma mère ») sont autant de révélations tragiques qui renseignent de manière précise sur les identités des morts de cette pandémie mondiale.
Enfin, les poètes de façon ambivalente, évaluent la pandémie. On aboutit à la conclusion selon laquelle la crise sanitaire serait une bonne affaire pour certains (« Merci Covid […]/Grâce à toi j'ai retrouvé une place dans ma famille » (William Jue, France : 28)); tandis qu’elle est un pire ennemi (« Le monde entier a senti cette épidémie. / Cette malédiction a battu le record du pire ennemi. / Invisible mais dangereux/Malicieux provoquant des dégâts de plus en plus affreux » (Nacira Ais, Algérie : 46)) pour d’autres qui se retournent vers l’espoir et Dieu (« Espoir, tu es le refuge » (Nyvine Ouédraogo, Côte d’Ivoire : 38))
Cette œuvre témoigne ainsi de la récente pandémie et est vivement recommandable pour la richesse culturelle, testimoniale, thématico-esthétique, didactique et philosophique qu’elle met en exergue.
(1) « Ce recueil, précise la quatrième de couverture, comporte vingt-huit poèmes pour un total de seize auteurs de différentes nationalités : France, Israël, Cameroun, République Démocratique du Congo, Algérie, Maroc, Côte d'Ivoire et Madagascar. »
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