jeudi 30 novembre 2023

Critiques littéraires de Les Chercheurs d'or

Gérard le Goff nous partage deux critiques littéraires reçues pour son dernier ouvrage : Les chercheurs d'or. Vous pouvez aussi les lire sur leurs sites originaux ici et ici

Voici la première :

LES CHERCHEURS D’OR de GÉRARD LE GOFF

Le nouveau livre de Gérard le Goff invite le lecteur à un voyage poétique à travers la littérature des XIXème et XXème siècles. C’est un hommage rendu aux écrivains français ou d’expression française, à ces « chercheurs d’or » qui, par leur exploration de la langue et leur art poétique, ont été au fil du temps les ouvreurs de nouveaux horizons et demeurent les maîtres spirituels de l’auteur.

Le titre trouve son inspiration dans l’épitaphe inscrite sur la tombe d’André Breton : « Je cherche l’or du temps ». L’illustration de couverture représente la rosace minérale qui orne la sépulture : une figuration de la pierre philosophale.

Gérard le Goff propose 58 évocations de poètes « à la manière de », selon une démarche qui nous fait (re)découvrir toute une pléiade de grands écrivains. Chaque texte est précédé par un portrait et par une citation qui annonce un thème à partir duquel l’auteur imagine une variation selon un principe musical. Il s’avère lui-même un maître de la langue et du style.

Les jeunes lecteurs traversent ainsi deux siècles de littérature, d’autres se rappellent leurs lectures et en retrouvent la nostalgie, contents de parcourir à nouveau le fil poétique qui va de Gérard de Nerval à Alfred de Musset, Charles Baudelaire, Lautréamont, Théophile Gautier, de Victor Hugo à Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire,  de Max Jacob à Robert Desnos, Paul Éluard, Boris Vian, Pierre Reverdy, de Tristan Tzara à André Breton, Raymond Queneau, Henri Michaux, René Char, Jean Tardieu, Eugène Guillevic et Yves Bonnefoy. À côté de grands noms d’écrivains, on en découvre d’autres moins célèbres, qui ont subi les horreurs de l’Histoire : Saint-Paul Roux, René Guy Cadou.

C’est un parcours initiatique à travers certains thèmes dévoilés dans les citations de l’œuvre de ces poètes mais aussi dans la création de Gérard le Goff qui les reprend dans ses poèmes et ses proses : la vie, l’amour, l’enfance, le bonheur, le rêve, la mort, la guerre, la haine, le mal, la maladie, la tristesse, l’attente ou des motifs tels : le chat, l’oiseau, le ciel, la lune, les nuages, la mer etc.

L’auteur des Chercheurs d’or construit son livre sur la polyphonie des voix, d’une part, celles des écrivains d’un temps révolu, d’autre part, sa propre voix lyrique ou en prose qui rend hommage à ceux qui sont restés des repères dans l’histoire de la littérature française. Il sait bien adapter son style à ceux des poètes évoqués, nous faire ressentir en quelque sorte l’empreinte de leur création, un certain air de leur temps. Il nous offre aussi des notes explicatives à la fin de ses textes en prose pour nous livrer des aspects moins connus de leur vie et de l’histoire des lieux.

Gérard le Goff est simultanément graphiste, poète, prosateur, parfois historien et biographe. Il connaît à fond leur œuvre, leur vie, leur correspondance, les documents qui les concernent, les journaux qui en parlent, les bavardages, les expositions anniversaires, les supercheries littéraires, autant de sources d’inspiration pour lui. Ses textes prennent la forme d’un poème, d’un récit, d’une lettre imaginaire, d’une entrevue. À titre d’exemple, la lettre d’Antonin Artaud adressée à son psychiatre pour lui reprocher d’être traité de délirant et de malade mental, quand il ne fait que confesser ses états mystiques dans ses manuscrits. L’entrevue imaginaire d’un journaliste avec Louis Aragon devient le prétexte à livrer aux lecteurs sa biographie et de rappeler son soutien à Staline ainsi que certaines de ses dérives existentielles. 

On saisit bien le côté ironique, persiflant de l’auteur, son humour discret, mais aussi son penchant pour le mystère, le fantastique, le mélange de réel et d’onirisme, le portrait et la description des lieux. La réalité quotidienne horrifiante se prolonge dans le cauchemar pour évoquer « le mal qui s’insurge contre le bien » dans la  variation sur le thème de Lautréamont (Vers d’amour et de haine). Il s’amuse à écrire le poème Posada à la manière de Blaise Cendrars, en pratiquant un collage d’extraits de la prose de Gustave le Rouge.

Il faut ajouter aussi la passion pour le dessin de Gérard le Goff. Les 58 portraits réalisés au crayon et à l’encre, au regard si vif qu’ils semblent nous regarder depuis le passé durant notre lecture.

Sonia Elvireanu

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Et voici la seconde :

Gérard Le Goff, Les chercheurs d’or, Hommages «À la manière de»


Simple amusette ? Variations sur un thème, à l’instar de celles que pratiquent parfois les compositeurs ? Le Goff demande d’emblée pardon au lecteur, aux grands lettrés qui pourraient se montrer sourcilleux face à sa démarche. C’est que son livre est pour le moins original : écriture « à la manière de » pour une bonne cinquantaine d’auteurs français ou francophones des XIXe et XXe siècle. Tous disparus car je ne souhaite pas déranger les vivants, sachant toutefois combien la parole des morts nous permet souvent d’exister. Prudence et fascination devant l’écrit, de la part de l’auteur ! Nous passons de Charles Baudelaire à Henri Michaux, d’Arthur Rimbaud à Andrée Chédid, de Blaise Cendrars à Georges Perros. Le portrait de chacun est tout d’abord habilement dessiné par Le Goff et flanqué d’une vraie citation.

Rassurons-nous : on sent en tous points l’amour de la littérature, l’admiration pour ces auteurs majeurs, le respect. Les textes originaux de Le Goff, miment de gré à gré le style de ces seigneurs du Verbe. Affirmation enjouée mais discrète de la culture face à l’inculture rampante actuelle. Les formes sont diverses. Tour à tour un savoureux poème de Maurice Fombeure, une soi-disant lettre d’Antonin Artaud à son psychiatre, une pseudo-interview avec Louis Aragon ou René Char, une rencontre putative avec Yves Bonnefois, une missive que Philippe Jaccottet ne recevra jamais.

Le ton est amusé, avec un zeste d’humour, la relation est amicale mais humble face aux éléphants. On admire l’éclectisme de l’auteur, son agilité d’esprit, sa faculté de changer de style pour mimer les grands écrivains. Un exemple pour l’incontournable et ombrageux Victor Hugo :

L’orage accourt depuis l’horizon de l’autre monde,
Bouscule ses cohortes démentes, ses démons immondes
Qui prirent forme dans les amas de nuages gris (…)

On est effectivement dans le style du maître romantique…
Ou bien Valéry Larbaud dans un Orient-Express plus vrai que nature :

Emmène-moi,
Avec pour seul titre de transport mon rêve,
Ô Compagnie Internationale des Wagons-Lits !
Je sais les plafonds en cuir de Cordoue,
Le velours italien tendu aux embrasures
Les luminaires et la pâte de verre bleutée de Lalique (…)

Et, devant les châteaux imprenables qui passent, imperturbables devant les fenêtres du train :

Ces forteresses aux serres de pierre
Crispées sur les crêtes, hérissées,
Qui semblent défier les nuages (…)

Nous reconnaissons Gérard Le Goff poète dans l’âme. Le classement de cet ensemble de textes « à la » n’est ni chronologique, ni thématique et ne suit pas la logique alphabétique des patronymes. L’ensemble n’est ni une supercherie littéraire, ni une compilation présomptueuse. Le Goff s’amuse et nous amuse. L’on sent que l’auteur a une réelle proximité avec ses aînés, Les chercheurs d’or (joli concept en référence à l’épitaphe inscrite sur la tombe d’André Breton), les chercheurs de mots et d’idées de la littérature française. À l’unisson, tous ont les mains dans la rivière, les pieds dans la glaise, à l’affût de pépites.

Et si Gérard Le Goff était, à l’instar de ses pères spirituels, lui-même un orpailleur ?

©Claude Luezior




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