Thierry Moral nous offre une critique littéraire de Homo Interneticus, de Snowdon King alias Ionuţ Caragea. Merci de tout coeur !
Et la voici :
Dis-moi ce que tu écris, je te dirais qui tu es. Ce n'est pas tout à fait vrai. On croit connaître un auteur, mais il se réinvente ou bien se dévoile au fil de ses publications. Je connaissais Ionut Caragea le poète, le spécialiste de l'aphorisme roumain, mais j'ignorais qu'il avait un talent tout à fait remarquable pour la Science-Fiction.
Ce recueil de nouvelles est très intéressant et a déjà un passif de références tout à fait remarquable. Sans les Éditions Stellamaris, nous serions passés à côté d'un fort bel ouvrage. Ici, point de textes ultra compliqués ou alambiqués. Les nouvelles sont courtes, percutantes et se concentrent toutes autour du thème central qui est le titre de l'ouvrage.
L'auteur place les pions sur l'échiquier du livre, dès le départ et sans ambiguïté avec "Jésus Cyborg". Il annonce aussi la forme des textes qui allie narration concise et dialogues qui permettent de découvrir l'ensemble des règles de cet univers qui nous dépasse. "Les lunettes de réserve" nous plongent dans un monde où la réalité virtuelle est aux commandes et le dénouement nous fait regretter le temps des Tranxènes. "Biblos" renoue avec la thématique religieuse en y ajoutant des connexions 3.0 insoupçonnées. le dialogue est très bien construit. On a envie de l'entendre sur scène. "Complètement relaxé" est glaçant par le paradoxe qu'il convoque. Calme et suicide. À qui profite le crime ? "La goutte" n'est pas de trop, au contraire, elle ouvre une réflexion philosophique abyssale, on s'y plonge avec plaisir. "Les dernières 6 minutes" modernisent le mythe de la prophétie tout en proposant une chute tout à fait éloquente. L'injonction "Écris 2205, John." dans la nouvelle 2205 est oppressante. le jeu en vaut il la chandelle ? L'infiniment petit se noie dans l'océan galactique. "Naissance" est presque houellebecquien si j'ose dire, mais en moins bavard et beaucoup plus efficace. "Sortez de cette maison !" est un dialogue réaliste où le fantastique n'arrive pas là où on l'attend. C'est touchant et déstabilisant. le plancher des vaches n'est plus ce qu'il était..."Le pénitencier" est sans doute ma nouvelle préférée. Elle est terrifiante et tout à fait représentative de l'institution pénitentiaire. Texte kafkaïen par excellence. "Atempus" est plus classique dans sa forme, mais fatalement l'auteur nous surprend avec une malice diabolique. "Souvenirs empruntés" pourrait être un scénario d'épisode de "Black Mirror". "Homo Interneticus" vient sceller le liant entre les différentes histoires et permet d'éclairer cet univers et donc de relire certaines avec un autre oeil. "Human Game" est un jeu narratif dangereux, deux voix jouent avec le feu sacré du pouvoir tout puissant. Sa forme est très théâtrale. La pulsion de destruction est avant tout un jeu enfantin.
L'ensemble est parfaitement cohérent, concis, précis, prenant, rien ne dépasse, tout fait mouche. Je suis fier de connaître cet auteur. Merci.
Thierry Moral
Vous pouvez retrouver cette critique et beaucoup d'autres sur le site Babelio.com, ici
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