mardi 19 février 2019

Critique du Nénuphar et la Grâce

Après Ionuţ Caragea hier, c'est aujourd'hui Jean-Paul Gavard-Perret, un autre poète reconnu, qui nous offre, sur le site lelittéraire.com une critique littéraire du Nénuphar et la Grâce, de Marine Rose. Qu'il en soit infiniment remercié !



Marine Rose, Le Nénuphar et la Grâce

Action de grâce

Il existe dans le second livre de Marine Rose une volup­tés par­ti­cu­lière et ce qui se nom­mait jadis une “action de grâce”. Le texte devient un hom­mage au nom de ce qui, quand vient la nuit, agite les draps des amou­reux. Leur fron­dai­son fait du ciel de leur lit un para­dis sur Terre. Tout est à la fois tendre et fauve et sur­tout vrai. La poé­tesse ne triche pas.
Elle se plie à  l’amoureux face auquel, dans ce chant d’amour, la poé­tesse rend les armes. Un vieux cri­tique aurait presque envie de lui dire “si tu t’imagines xa va xavaça durer touours” comme Que­neau. Mais il serait dans ce cas mal­ha­bile et atra­bi­laire à sou­hait. Et il a mieux à faire : saluer un tel livre. L’amour y est confiance, fré­mis­se­ment des ventres qui se donnent en majesté et où se cache vraie la voix dési­rée nue, libé­rant sa vérité.

Ce serait un signe de mau­vaise santé poé­tique que de ne pas se lais­ser empor­ter par la sirène des lacs savoyards. Les phrases des­sinent au cœur, allè­gre­ment, des formes sonores, des sinu­soïdes par­fois inter­rom­pues dans leur avan­cée lorsque d’autres viennent des rives de la Venise du nord pour s’y régé­né­rer : “Je suis pour Toi canal et chan­son, j’offre mon corps en mater­nité”.
La poé­tesse pra­tique le don d’elle-même  et de ses prin­temps. Ils bûche­ronnent le trem­ble­ment des émo­tions. Le tsu­nami de l’amour est ici sans vague mor­ti­fère, il recouvre tout de manière apai­sée. Et si Eros est à chaque page il n’est en rien sau­vage. Est-il maî­trisé ? Non. Mais il devient la don­née immé­diate de la prin­cesse  sau­va­gine qui fait — une fois n’est pas cou­tume — de l’homme sa mise.

Marine Rose pos­sède toute la sen­sua­lité et le souffle du sang pour entrer en lit­té­ra­ture. D’autant que l’art d’aimer et de le dire n’est pas tou­jours facile. Le risque de la mié­vre­rie n’est jamais loin. L’auteure l’évite car elle n’est pas oie blanche mais à l’inverse ne joue par de poses déver­gon­dées. Elle dit ce qu’elle est et écrit les étapes de la longue phrase rami­fiée de sen­ti­ment et de sen­sua­lité.
Tout est dit mais sans la moindre com­plai­sance ou voyeu­risme. L’émotion la plus chaude a besoin d’une  belle assu­rance. Gageons que peu à peu, l’auteure écrira les riches heures ni de Dame Louve ou de Biche des Ara­vis ravis mais sim­ple­ment de celle qui trouve les mots ailés pour dire les émois du corps et les troubles du coeur.

Jean-Paul Gavard-Perret

1 commentaire :

  1. Merci de tout cœur pour le partage Michel, et merci à Jean-Paul pour cette superbe critique!

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