Julien Miavril nous offre une critique littéraire des Urbanishads, de Serge Lamothe
Une traversée de la nuit
« Les Urbanishads » constituent une référence moderne aux Upanishads, mot sanskrit désignant les textes sacrés hindous considérés comme révélés et dont l'ensemble (plus de 200) forme le védanta. Beaucoup sont récents, mais certains remontent à une période très ancienne (entre 700 et 300 avant J. -C.)
« Les Urbanishads » sont ainsi constitués de quatre parties. Ils s'ouvrent par une référence, sous la forme d'un pastiche de la prose du transsibérien de Blaise Cendrars avec le titre de la toute première section : « Prose du car D'Albuquerque ». Il s'agit en effet d'un long chant d'imploration de toutes les victimes de génocides au cours de l'histoire coloniale doublé d'une traversée au cœur des ténèbres du monde moderne où :
si tu vois le monde disparaître
fais-le sans partage
d'argile et d'un sang lumineux
de l'économie des jours et des cendres familiales
ne dis rien
au sommet de tes courbes noircissent les silences
tu ne les vois jamais venir
quand jouit la plus âpres des terres
Teintée d'humanisme, la voix du poète, gardien des cosmogonies antiques et modernes, se résout ainsi en effet dans le silence où résonne les voix des morts. Tous les poèmes de cette section chantent le sacré et sa perte. Ce que la deuxième section, sous la forme d'une longue énumération ne fait que redoubler :
« Pour dire avant la nuit » est ainsi une quête de l'aurore du monde rendue à sa pureté première. En toile de fond rejaillit l'expérience plus ou moins heureuse de l'amour et où la femme aimée ne se dérobe que parce qu'elle irradie toute entière en dehors de toute absolution :
de l'élan du ciel
tu ne seras privée
ni distraite
il est vide
encore plus que tout
ne lui demande l'absolution
ni rien
sauf si tu le devines
C'est sans compter sur la puissance des éléments pour en renvoyer l'image :
rien n'apparaît dans ce ciel
il s'éreinte à aimer son reflet
sans savoir que la mer l'a gardé
« Les derniers maigres » disent l'urgence de « dire la fulgurance d'une vie arrachée aux tempêtes du siècle. » Innombrables fléaux qui s'abattent sur la terre et sur l'homme et que pour la poésie a pour tâche de conjurer en visant un horizon de justice et de paix perpétuelle face à la fragilité éphémère de l'existence :
rappelle-toi que nous sommes si vivants
que rien ne nous survit
La toute dernière section, « Ma terre est un fond d'océan » viennent clore ce recueil magnifique qu'agrémentent des dessins de l'auteur, entre symbolisme, sensualisme et expressionnisme. Le tout formant une quintessence poétique aux prises avec notre siècle et avec l'histoire des hommes et des dieux.
Julien Miavril
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