Parme Ceriset a publié sur le site La cause littéraire une critique de l'ouvrage Nuit celte, land mer, de Carmen Pennarun. Merci infiniment, Parme, pour cette critique, et Carmen pour l'avoir méritée !
Nuit celte, Land mer, Carmen Pennarun (par Parme Ceriset)
Dessine-moi un arbre…
Si ce recueil devait prendre vie, il aurait des racines et de majestueux branchages, comme le suggère la magnifique illustration de couverture (dessin de Charles L’Heureux).
Les mots de l’auteure, comme autant de gouttes de rosée, nous offrent une immersion vivifiante et méditative en plein cœur de l’Argoat, Bretagne intérieure boisée. Son approche contemplative de la nature, qui fait écho à la méditation taoïste avec son « tao de l’arbre », permet à l’âme humaine d’accéder à la spiritualité dans un rapport mystique au grand Tout et en particulier au monde végétal : « l’arbre offre ses ramures en prière ». Cette communion avec les éléments, cette osmose fraîche et parfumée gorgée d’embruns qui s’écoule comme la sève et l’eau des sources, est salutaire pour qui veut échapper aux ténèbres, car « nous empruntons des chemins de brume comme tremplins vers la lumière ».
Il s’agit par la marche, la poésie et le silence, d’accroître ses capacités de concentration pour accéder à une meilleure perception du réel, à la sagesse en tant qu’unification du corps et de l’esprit. Carmen est une magicienne qui change la farine blafarde des peurs existentielles en un délicieux pain de poésie :
« La terre sent le blé
et la chaude odeur du pain beurre
les soucis du jour – broyés –
retombent en pluie de farine »
De son « moulin à mots » surgissent des haïkus et des textes colorés et savoureux.
Il y a aussi une réflexion sur la finitude des êtres et sur le caractère fugace de tout ce qui compose le spectre du vivant : ainsi, les « arbres martelés » qui « attendent – fiers – leurs bourreaux », qui comme les humains, ne sont que de passage. La poète nous aide à avancer sur les chemins caillouteux de l’existence, en accord avec la célèbre citation de Confucius : « Le bonheur n’est pas au sommet de la montagne mais dans la façon de la gravir ». L’accès à la sérénité semble passer par le détachement, même s’il est difficile à pratiquer dans la durée. L’auteure l’affirme, « nous avons toujours su marcher ainsi, le vide pour seul appui, mais à chaque fois que nous en avons pris conscience, nous nous sommes empressés de paver la sente ».
Pourtant, elle pense que nous devons nous résigner à la constatation que nous sommes « si peu de choses » à l’échelle des siècles, puisque « nos consciences passent au rythme de l’exil ». Vibrant à l’unisson de la sève, l’esprit de Carmen Pennarun s’imprègne de l’ambiance des saisons. En novembre, son cœur « chante fauve ». Le regard esthétique qu’elle porte sur son environnement est celui d’un peintre : elle trace les contours d’un tilleul, « cloche à saveur miellée », puis achemine à nos oreilles les « crépitements bleus des pins dans le ciel de mars ».
La forêt bretonne est un refuge à la « Walden », et « on y noierait bien sa conscience sociale » pour redevenir « écoute du fourragement dans les buissons ». La poète finit par se fondre littéralement à la verdure et à son souffle : « Elle rêve comme roseau près du rivage ». L’harmonie retrouvée est musicale, la nature « infuse le son vert dans le silence », « végétal et humain naissent du même accord ».
On sort de cette lecture profondément apaisé et plus que jamais conscient du réel, de l’instant, de l’espace et du temps, et de la beauté de chaque étincelle de vie : la magie de l’impermanence. Ce recueil est aussi un excellent compagnon de voyage pour partir à la recherche de la paix intérieure, à la lueur des mots de Lao Tseu : « Retourne à la source, trouve la sérénité, c’est la voie de la nature… Le silence permet de trouver son destin ».
Parme Ceriset
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