Camille Layer nous propose une critique littéraire de Mets du jour, par Pierre-Michel Sivadier... Merci Camille pour cette critique, et félicitations, Pierre-Michel, pour l'avoir méritée !
Pensées et réflexions autour de Mets du Jour
Mets du Jour appelle à l’échange, au dialogue.
À travers ce bouquet de réflexions et de portraits, plus d’une fois je me suis retrouvée à devoir poser le livre parce que des souvenirs, des idées, des questionnements, une envie de répondre, me venaient.
La plume de Pierre-Michel Sivadier est une langue, une identité propre. Il y a là une signature que l'on retrouve dans sa musique comme dans ses textes. Et ce bouleversement reçu de plein fouet : un cœur qui bat, tout simplement, au creux d’une main tendue. Une main d'artiste à échelle humaine — vivant et accessible.
Mets du jour ! Un précieux conseil que le peintre William Turner dut bien souvent distiller à ses disciples pour ne pas risquer de laisser dans l’ombre une de ces perspectives dont le chemin s’étend à nos pieds. Mettre un peu de jour pour éclairer les autres, pour éclairer demain.
La nécessité d'ajourer les bras tendus, de ne plus ajourner nos retrouvailles. L'embrassade des mots avant l'embrassade timide des corps. La sobre célébration de l’embrassade des corps comme un évènement sans précédent, presque une transgression, une victoire. L’urgence de dévorer le présent fourmille derrière chaque mot ; de se délecter de l’instant, du présent qu’est la présence d’autrui. Tu peux goûter le jeu de mots ou ne pas le remarquer, mais la lumière te happe dès la couverture.
« Si tu t’aventures », la langue t’enlace, te guide dans la tourmente du lion en cage dont la pensée se recroqueville sur l’incertitude quotidiennement rabâchée, puis, d’un coup de griffe, échancre les interstices et se déploie pour vagabonder librement dans une introspection d’une rare générosité. S’il est vrai que la vie est un cadeau, le présent, ici, ce sont tous ces souvenirs, ces images chéries du fond de la mémoire de l’auteur, qui s’offrent à notre curiosité.
L’estime sincère, la tendresse parfois, qui imprègnent la plume pour dépeindre les fidèles portraits de visages familiers et pourtant lointains, inconnus, iconiques... et leur prêter chair vivante, cœurs et corps sensibles, accessibles. Tant de grands artistes à échelle humaine ! On voudrait s’attarder en leur compagnie ; à notre tour, les rencontrer, partager un instant, un verre, écouter leur voix, leur vives voix…
Une langue, oui. C'est toute une langue qui vibre, s'exprime, se confie, enrage, s'invente et se dévoile, page après page. Une langue vivante. Comme la musique de l’auteur, elle lui ressemble. Avec l’alinéa pour syncope. Une prise d’air avant de plonger dans une nouvelle idée. Chaque paragraphe est un couplet : ouvre la bouche et laisse entrer l’air, c’est quand tu veux… « Si tu ouvres le livre et le lis… »
Il y a ces jeux de mots, ces petites incartades de la pensée qui se glissent, s’invitent discrètement dans la phrase, comme une messe basse au creux de ton oreille. A peine les remarque-t-on, elles excitent pourtant la curiosité et affirment une complicité. Qui connaît la chaleur de la voix de l’auteur ne peut lire sans deviner ses intonations, les orages contenus ou les sourires espiègles, qui guettent et te débusquent.
Si tu la laisses te conquérir, cette langue t’invite à penser. A t'interroger avec elle sur hier, demain, sur toi ou sur le monde... Les idées s'emmêlent, les souvenirs affluent, alors, il faut poser le livre. Oui, cette langue invite autant au voyage qu'au dialogue. On voudrait parler avec elle, échanger autour d’un plateau de macarons ; débattre, répondre à ses confidences par les nôtres… Écouter narrer de vive voix ce voyage, cette chanson, ce regard croisé, avec force détails.
Cette langue inspire et rend insatiable. Alors, l’envie te gagne de saisir la plume à ton tour pour mettre un brin de jour dans tes pensées…
*
« On joue pour un spectateur, même imaginaire »
Souvenir d’un petit larcin sans malice.
Un instant de grâce partagé,
Sans un mot
Au hasard des circonstances.
Présence fortuite, solitaire.
Corps attardé, dans ses pensées, perdu.
Sursaut des premières notes.
Le piano joue, enveloppe, console,
Ses envolées généreuses soulagent la peine,
La prennent à son compte.
Les pieds enchâssés dans le sol
Et la musique comme des branches de lierre
M’enracinaient, ici.
« Un cœur par-ci, un cœur par-là »
« Pour moi toute seule »
Tu jouais l’instant :
Doux présent.
Cet instant suspendu dans la course du temps
A mis le feu à ma mémoire.
Avais-tu seulement conscience que j’étais là ?
Camille Layer
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire