samedi 6 juillet 2013

Florence Houssais sur "Témoignage Chrétien"

Florence Houssais, auteur de "L'âme soeur", "Un an sans Élie" et "Je suis toujours une petite soeur", a  rédigé un texte sur le bonheur dans le cadre d'un projet d'écriture participative organisé par l'écrivain Mathieu Simonet pour la revue Témoignage Chrétien (supplément de juin 2013). L'auteur a illustré sa nouvelle des contributions reçues et fait la part belle à son témoignage, présenté en intégralité ci-après.

La nouvelle intitulée "Les petits bonheurs de Jeanne..." est en pages 90 à 93 ; la présentation de l'auteur en pages 4 et 5
La contribution de Florence Houssais







Mes bras saisissent mon Bonheur
Pour qu'il ne s'envole pas dans le vent







J’ai 41 ans en cet été 2011 si particulier. Je fais du camping avec mon mari et mes deux enfants. Au terme de ces vacances nous nous offrons une balade à vélo. Nous dépassons le petit cirque au lama facétieux, nous longeons la forêt des dinosaures puis nous faisons escale sur une grande plage, la plage où j’ai aimé en mon jeune âge. Je veux la revoir avant de partir, lui dire à bientôt, l’offrir en cadeau à mes enfants en ce dernier jour un peu mélancolique. Nous avons laissé nos montures près des ajoncs puis nous dévalons la dune jusqu’au sable mouillé. Je décrète que nous resterons sur la plage jusqu’au coucher du soleil car il fait beau en Bretagne ce jour-là.

Nous nous attelons à diverses activités de bord de mer : collecte de coquillages pour les filles, ricochets pour les garçons. La plage se vide déjà et les moniteurs au loin rangent les chars à voiles. Plus loin encore, la presqu’île de Quiberon se dévoile comme une promesse. En fait d’escale, je rends plutôt visite à mon enfance, j’accomplis une sorte de pèlerinage pour puiser des forces avant les épreuves qui m’attendent.

Enfin seuls sur la plage, je laisse libre cours à l’ivresse qui m’envahit. Je m’élance dans les vagues, les bras grands ouverts et je crie mon bonheur d’être au monde, vivante, libre de mes mouvements. Ma joie est contagieuse et se propage à mes enfants que j’entraîne à ma suite. Nous reprenons de plus belle notre course effrénée dans le vent chargé de sable et de sel. Nous projetons devant nous des jets d’’eau scintillante, autant d’arcs irisés, de courbes pailletées dans le soleil déclinant.

Je ressens un profond bien-être, un sentiment de plénitude au contact des éléments. Je suis heureuse d’avoir su reconnaître le bonheur, d’en profiter pleinement, de l’offrir à mes enfants. J’exprime une joie démonstrative, en toute impudeur. Je sais qu’il faut jouir du bonheur quand il se présente à nous, tellement fugace que l’on peut passer à côté.

Cet instant de bonheur est d’autant plus précieux que je me prépare à vivre un grand drame. Ma sœur Élisabeth est en train de mourir et use ses dernières forces contre une maladie orpheline qu’elle partage avec deux autres personnes dans le monde. Elle dit d’ailleurs d’un ton faussement assuré que « la plage n’est pas sa priorité cet été » et c’est normal car survivre est une préoccupation de tous les instants.

Célébrer la vie sur cette plage est symbolique car je sais que ma sœur ne la verra plus de son vivant. Elle ne sentira plus l’exfoliante douceur du sable sur ses pieds si fins, si élégants. A l’image de ma sœur affaiblie et prématurément vieillie se substitue celle d’une grande jeune fille saine et sportive qui aimait folâtrer dans les vagues.

Sur cette plage, j’ai bien rendez-vous avec mon enfance, une enfance aux accents proustiens. Comme Marcel, nous choisissions nous aussi nos deux côtés de baignade : parfois la baie des Sables-Blancs aux eaux calmes et tranquilles pour apprendre à nager, pour jouer aux pirates des mers entre les annexes ; parfois l’Océan, la petite « Côte Sauvage » pour batifoler dans les vagues, pour jouer au volley et faire des connaissances.

C’est mon dernier moment de bonheur de l’année 2011. Les mois qui suivront, je serai la spectatrice impuissante de la lente agonie de ma chère Élisabeth qui rendra les armes le 1er janvier 2012 au petit matin.

À ce jour, je ne suis pas retournée sur cette plage mais j’ai fait le rêve poétique de disperser ses cendres dans cet antre de bonheur baigné de vent et de soleil.

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                           Désert de sable


         Te disperser sur cette plage
         Où j’ai aimé en mon jeune âge.

         T’éparpiller en poussière de sable,
         Scintillante dans le soleil.

         L’impression de te redonner la liberté,
         Te faire le don de l’immensité
         Et de nouveaux espaces de félicité.

Florence Houssais

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