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vendredi 19 juillet 2013

Critique littéraire de "Histoires d'Armor et d'Argoat"

Jean-Michel de Cauville, auteur de Aux portes de l'âme, nous offre cette critique littéraire de mon ouvrage, "Histoires d'Armor et d'Argoat"



Histoires d'Armor et d'Argoat



"Histoires d'Armor et d'Argoat"... Un titre pour un livre, un titre qui, au premier abord, pourrait sembler classique, voire presque banal. Ne nous méprenons pas, et regardons de plus près la photo de couverture qui, déjà, nous conduit vers l'évasion, l'aventure, l'ailleurs. Avec un peu d'imagination on se surprend à créer un parallèle avec les "Pays lointains" de Julien Green. Mais, n'allons pas trop loin, nous sommes ici en Bretagne, en ce pays où les déferlantes ont laissé sur les plages et les pages de quelques livres des textes aussi beaux que ceux de Jakez Hélias, Chateaubriand, Queffélec, excusez du peu !... et que les autres me pardonnent de n'être pas cités.

Ici, Stellamaris nous offre le privilège de flirter entre Armor et Argoat, là où nos coeurs, nos âmes, trop souvent se dispersent entre un élan d'aventure tourné vers le large, cet horizon sans fin contrasté avec cette terre intérieure mystérieuse, secrète, envoutante où les légendes et traditions sont autant de fascinations que notre esprit voudrait en recevoir en héritage. Des les premières pages nous devons rompre les amarres, accepter les embruns qui nous attendent... Nous sommes en partance sur une embarcation aux rimes...arrimées... Nous voici donc propulsés en un témoignage d'amour où l'écume des sentiments peut être aussi forte que la dureté du granite. La note est donnée en découvrant simplement ces vers :

          Elle est si belle cette écume,
          Si délicats sont ses ourlets
          Et de moire sont ses reflets !

          Elle est douce comme une brume
          Où comme l'habit d'Organdi
          Que vêt son bien aimé Dandy…

Mais, pour une fois, quelques instants, oublions les mots et faisons une escale impromptue sur la photo d'un "Feu qui ne brûle"... Magique ?, non, merveilleuse ? non, belle ?, non... Alors quoi ? Irréelle conviendrait davantage... Ce coucher de soleil venant soudain surprendre une forêt de mâts dressés, a quelque chose qui vous saisit, un ultime adieu avant de disparaitre là bas, derrière la face cachée de la terre. Cette sérénité chaude possède ce "je ne sais quoi" d'apaisant qui nous porte à nous sentir bien tout en gardant au fond de nous cette soif inexplicable d'inconnu... Cet inconnu, c'est justement là où l’Auteur souhaite nous entrainer, nous amener à nous engloutir dans ses vers toujours plus beaux, surprenants et dans lesquels nous nous laissons bercer par la puissance des flots… Avec Stellamaris, les séduisantes senteurs marines réussissent à se marier sans peine avec la tragique réalité de cette mer grandiose où l’humain demeure si petit face à son orgueil…

          Champ d’écueils jusqu’à l’horizon ;
          Là, la mer n’est que déraison,
          Vois ces naufrages à foison !
          Car ci gît Ys, ville engloutie…

Et voici qu’en ces quelques rimes, la poésie se fait abyssale, profonde… Il n’est guère nécessaire d’en sonder les fonds subtils, les images parlent d’elles mêmes par les atmosphères qu’elles nous inspirent et c’est là tout le talent du poète, du poète « vrai »… Il ne se contente pas d’aligner par un bel exercice de style quelques jolies rimes bien ordonnées, il les livre avec le cœur afin qu’elles ne soient pas seulement des mots sur un papier mais un tableau sur lequel le pittoresque de l’existence fait corps avec le rêve.

 Les paroles d’une chanson « Oh qu’elle est belle ma Bretagne, sous son ciel gris il faut la voir » se laissent fredonner comme pour mieux raviver en notre mémoire que la voute des cieux n’en est pas plus belle lorsqu’elle éclate de bleu. Dans « Histoires d’Armor et d’Argoat » tous les éléments de la divine création se mélangent pour s’épouser dans la plus parfaite harmonie :

          Quand l’Océan sauvage
          Ce géant, fut en âge
          D’enfin se marier…
Et plus loin ;
          Elle fut donc ravie (la terre Bretonne)
          Avec lui (l’Océan), désormais,
          De partager sa vie.

Nous y sommes vraiment, l’alchimie des mots fait son chemin au fur et à mesure du recueil qui devient paysage et combinaison exquise entre poèmes et photos. Le jeu, la résonnance au fil des pages nous propulsent, nous imposent à aborder l’ouvrage comme une mélodie dont les vibrations nous conduisent en un Monde aux contrées sans fin. Seules, peut-être les fées en connaissent l’itinéraire :

          Car j’aspire à trouver ce pays d’Avalon
          Où Viviane et Morgane, en son exil trop long
          Soignent le roi Arthur…

Du même nom que la baie, surgissent les trépassés, qui ont également leur place en ce Monde ici bas. Leurs âmes (anaons), s’autorisent à renaître le temps de quelques vers… Ecoutons les gémir contre les marins en ce phare du Raz de Sein :

          Âpre est ma haine du marin,
          Il faut que je les extermine !
          À jamais ce désir me mine,
          Et ce tourment me ronge en vain.

Et par l’intermédiaire d’une mouette rieuse, on peut s’attendre à être confronté à l’incarnation d’un poète revenant, qui hurle son désarroi par-dessus les flots de Molène, seul et pour longtemps. Etrangement, dans l’obscurité de ces brumes opaques qui remontent de la surface des eaux, Stellamaris parvient à nous rendre familières ces entités de l’au-delà.

Comme cela fut le cas pour moi, votre âme d’enfant se surprendra sans doute à rester subjuguée par la découverte ou « re » découverte de la fameuse légende de la ville d’Ys. Que n’a-t-on pas dit, écrit sur elle ?... Ici, vous chevaucherez le cheval des mers aux côtés de Gradlon en parcourant ces vers d’une majestueuse beauté ;

          Car, au fond de la mer, un monde pétrifié
          Abrite pour toujours cette cité rebelle.
          Elle y vit à jamais, grâce surnaturelle.

Si un jour prochain, votre route vous conduisait en baie de Douarnenez, soyez bien attentifs aux images que la surface des eaux pourrait bien refléter… Dans son filet de pêche, Stellamaris nous distille les secrets pour croiser, qui sait, la belle et troublante Dahut.

Je suis, pour ma part, de ceux qui pense que la poésie doit descendre dans la rue, être accessible à tous et à toutes afin de la faire aimer à sa juste valeur. Dans la deuxième partie du recueil Stellamaris nous emporte en Argoat, et les lecteurs amoureux de nature seront servis. Passez votre chemin voyageurs craintifs au moindre rugissement de bête aux fonds des bois, au vent plaintif dans les frondaisons, aux chants perceptibles des lavandières de nuit et autres groac’h dont les effluves d’élixir vous envoutent jusqu’à la fin des temps. Stellamaris explore cette Armorique étrange, ces landes égarées, paradis des elfes, lutins, korrigans, en un mot son « petit peuple ». Fuyez enfin voyageur imprudent si vous ne souhaitez croiser à la tombée de la nuit la charrette de l’ankou. Ici, le poète nous fait humer l’odeur des sous bois humides et de la terre où les jaillissements de quelques sources et les fracassements des roches ne sont jamais bien loin :

          Et j’entendis sur la lande
          Ce grincement de légende.
          Qui l’entend perd tout espoir
          De revoir un autre soir.
          C’est l’ennemi le plus noir :
                    L’ankou.

Amis poètes ou non, Bretons ou non qui aurez cet ouvrage entre les mains, sachez qu’il est beaucoup plus qu’un recueil de poésie, il est un regard posé sur cette péninsule occidentale, déchiquetée et dont les ondes circulent en une espèce de « va et vient » entre terre et ciel. « Histoires d’Armor et d’Argoat », je l’ai aimé ainsi qu'on aime la couleur d’un hortensia, tout simplement parce qu’il est beau et pur. Je suis certain qu’il en sera de même pour vous.

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