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dimanche 19 février 2023

Critique littéraire de Moisson de réprimandes

Erick Gauthier nous offre une critique littéraire de Moisson de réprimandes, de Hamid Ben. Merci de tout cœur, Erick, pour cette critique, et félicitations, Hamid, pour l'avoir méritée !


Moisson de réprimandes


Moisson de réprimandes annonce par sa divine couverture un recueil d’offrandes, un recueil où l’humilité guidera le pas du lecteur dans le bois de la langue du poète. Et le poème liminaire “Les perles du temps” évoque déjà le souvenir et l’enfance, les larmes et la terre ; sa lecture emporte le monde en fermant nos yeux.

Les trois premiers poèmes, “Les perles du temps, “Mes terres promises” et “Parfum de l’absence” drapent le lecteur du parfum que dessinent les mots du poète. S’annoncent ici le recueil et sa teinte assurément lyrique. Le sentiment amoureux, l’évocation du souvenir et “des douleurs comme des nuits/Profondes et silencieuses” (“Parfum de l’absence”) unis à l’enfance murmurent au présent. Le souvenir, nostalgique et regretté, idéalisé, chante ses désillusions, ses amertumes mais néanmoins le voile de l’apaisement et de l’espoir porte vers demain le regard du poète. Et au poète de le déclarer puisqu’il est lui-aussi enfant de cette pierre volcanique, enfant de cette “lave éteinte”, “enfant de l’obsidienne” (“Les enfants de l’obsidienne”), enfant de cette pierre magique qui ouvre les portes d’un monde merveilleux et protège les plus faibles, mais qui offre également soutien et réconfort. L’espoir renaît malgré “l’absence d’amour” (“Ci-gît la rose”) vue comme une “affreuse mort”.

Mais dans cette désillusion, Hamid Ben recueille une “étoile vagabonde” qui en “flamme ardente dans les pupilles” danse pour lui la nuit (“Portes ouvertes sur la mer”). Cette luciole n’est-elle pas l’être aimé aux “larges yeux d’opaline” (“Glycines”) ? Source de bonheur après le sang versé “sur les galets immondes de l’histoire” où les larmes ont drapé ces heures sombres des douleurs. Alors aux glycines, plantes toxiques tant par leurs fleurs que leurs fruits pouvant vivre cent ans, de fleurir “sur le vieux mur décrépit” du temps ? du souvenir ? de l’amour perdu ? S’unissent à travers ces vers mélancolie, désespoir, regret, temps écoulé et joie. Et aux oiseaux, qu’ils soient migrateurs, merles, étourneaux ou hirondelles, de représenter la fuite du temps, la liberté, l’exil mais encore “un soleil en déclin” (“Nostalgie”). Evoqué à plusieurs reprises, l’oiseau est symbole de migration. Il symbolise le voyage tant le départ que le retour en terre natale. Le feu aussi est symbole du temps, du passé, mais d’une apothéose qui abrège le temps (“Rêves”) comme la pluie dont les “gouttes viennent mourir/Dans un éclat de diamants” (“Main tendue”) sur le perron de la fenêtre du poète. Et l’oiseau rejoint bien souvent sur une lune diaphane le vol silencieux du papillon ou celui de la luciole.

Et au poète de se lamenter de n’avoir pas assez de souvenirs dans sa vie comparée à “un désert aride parsemé de quelques oasis” (“Fruit fendu”). Mais quelles oasis ? Qui se plaindrait de tant de merveilles, de tant de retours vers cette enfance, ces amours. Les lieux évoqués renaissent tel le phénix en mots, véritables “mets exquis” (“Errance”). Les vers forment une complainte aux confidences audibles qui soupirent aux âmes attentives du lecteur.

Des parfums baudelairien (“Embruns”), hugolien (“Je partirai”) mais aussi ribaldien, des douceurs et des cris que l’on croirait signés R. Char, des regrets et désillusions de Du Bellay, et bien d’autres poètes encore en Hamid Ben. Et contrairement au dire de poète déclarant “[...] rien ne fleurit/Que quelques ronces par endroits” (“Désert”), tout n’est que fleurs et pierres, couleurs (à prédominance de bleu) et parfums, où s’envolent en ses vers de somptueux rêves éperdus vers des chemins de liberté dessinés au-dessus des “rayons brisés d’un soleil matinal” (“Sentiers du bonheur”) par une abeille enivrée de nectar. Les poèmes de Hamid Ben nous content ce que l’on veut entendre : la vie, l’amour, le souvenir. La tristesse n’est pas délaissée mais se faufile le long des regrets empruntant la rivière des “larmes d’apaisement” (“Envolées”).

Recueil d’une sensualité rare, Moisson de réprimandes chante tel un requiem qui sonne la cérémonie du souvenir. Le temps n’efface en rien les souvenirs mais les embaument pour mieux les parer des atours de nos âmes. Hamid Ben évoque l’enfance, la sienne d’abord mais par identification, la nôtre, avec une richesse si profonde que le lecteur se retrouve bouleversé par ses poèmes. Les poèmes sont une moisson riche et digne des grandes récoltes poétiques. Il faut lire chaque texte, le méditer, le relire encore en encore telle une madeleine tant l’écriture pénètre en nous au plus profond de notre être. Carpe diem. Il est courant de sortir indemne d’une lecture mais ce recueil ne peut laisser insensible. Et plutôt que se perdre dans les dédales de la “belle charmeuse” (“Charmes”) qu’est Marrakech, enivrons-nous sans modération des vers du poète.

L’écriture a atteint ici des cimes. Pesée, percutante à souhait, violente par ces images, elle transcende le lecteur. La nature parle et Hamid Ben sait l’écouter. Il en a perçu ses parfums, ses gestes, ses mots comme des plaintes et son âme les livre et les délivre en des vers d’une rare profondeur. Ce recueil est une prière. Il est la respiration douloureuse d’un grand poète et s’incliner bien bas pour le saluer ne suffit pas. Alors lisons ses poèmes, méditons ses maux ! Ce n’est pas exagération de clamer, au panthéon des poètes, pourra se graver dans le marbre éternel un nouveau nom : Hamid Ben.

Un grand Poète que les éditions Stellamaris ont l’honneur de publier.

Erick Gauthier

1 commentaire :

  1. Je ne saurais par quels mots remercier Erick Gauthier pour cette merveilleuse recension, cette critique judicieuse de mon recueil "Moisson de réprimandes". Ses mots me vont droit au cœur, m'émeuvent au plus haut point. Un grand merci cher poète. Merci Michel Chevalier. Hamid Ben

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